Accès à l’eau potable : pratiques et représentations dans la région de l’Oyapock

En Guyane, quelques 40000 personnes, soit près de 15% de la population, n’auraient pas accès à l’eau potable selon les chiffres officiels. L’enquête anthropologique menée depuis 2019 par Priscilla Thébaux à Saint-Georges de l’Oyapock dans le cadre de sa thèse de doctorat permet de préciser les pratiques, les discours et les représentations des usagers de cette commune.

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Vivre sur une côte changeante…

Quartier de l’Anse à Kourou en 2015. De petits sacs de sables sont positionnés contre les palissades pour tenter de protéger les maisons de la submersion à marée montante.

Cette étude a réunit dans une approche interdisciplinaire des historiens, des géographes, des géomorphologistes, des écologistes et des anthropologues. Ensemble, ils se sont intéressés aux cheniers, ces cordons sableux qui bordent le littoral, et qui sont soumis à des changements intenses — colonisation et destruction de l’écosystème de mangrove, érosion, modification des estuaires, avec toutes les conséquences qui en découlent sur les conditions de vie et l’accès aux ressources naturelles.

Trois zones d’études contrastées ont été considérées : le village amérindien Kali’na d’Awala-Yalimapo situé sur l’estuaire Maroni, les savanes entre Sinnamary et Iracoubo où la paysannerie créole a prospéré après la colonisation et dans l’histoire plus récente, et enfin, le cas particulier de la ville de Kourou, construit à partir des années 60 près de la mer pour accueillir les ingénieurs et techniciens du centre spatial guyanais.

L’étude met en regard deux façons de faire : d’une part, les manières traditionnelles d’habiter le littoral des populations amérindiennes et créoles, basées sur l’appropriation collective de la terre, et qui peuvent être décrites comme des approches de développement légères, et de l’autre la manière dont Kourou a été construite avec un rapport à la mer largement importé de France métropolitaine, à l’époque des années 60 et à l’heure où la propriété privée est devenue la norme en Guyane française.

Au moment où le changement global est susceptible d’apporter des transformations rapides des paysages, et où nous nous demandons tous comment habiter, dans le présent et le futur, le littoral, cet article peut être une source précieuse de réflexion.

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Vue aérienne du littoral d’Awala-Yalimapo en septembre 2018

Marc-Alexandre Tareau, un lauréat passionné

Depuis qu’il a soutenu sa thèse en 2019, l’ethnobotaniste Marc-Alexandre Tareau se donne pour mission de diffuser largement les connaissances acquises auprès des diverses communautés culturelles de Guyane, au sujet des usages de phytothérapie. Ce passage de savoirs se fait tant sur le plan académique, par la publication de plusieurs articles dans des revues scientifiques spécialisées, que dans une dimension plus populaire par de fréquentes interventions auprès des jeunes et du grand public guyanais.

Marc-Alexandre Tareau, deuxième en partant de la gauche, est lauréat du prix de thèse de l’Université de Guyane, délivré le 7 juillet 2022.

Retransmettre le savoir reçu

Dans cette démarche de valorisation de la richesse de ces savoirs populaires, il met un point d’honneur à retransmettre à son tour ce qu’il a pu observer ou écouter auprès des habitants des villages et des quartiers du littoral guyanais avec qui il a travaillé durant ses quatre années de recherche doctorale.

Si les résultats généraux de sa thèse ont donné lieu à un article dans la revue de référence en ethnobiologie, Journal of Ethnobiology and Etnomedicine (Tareau et al., 2020a), Marc-Alexandre s’est également attaché à valoriser ses données de terrain à travers plus d’une vingtaine de publications scientifiques (5 en 2019, 6 en 2020, 8 en 2021 et autant prévues en 2022) concernant des sous-thématiques plus spécifiques, telles que l’ethnobotanique des migrants (Tareau et al., 2021b ; Tareau et al., 2022), la cueillette urbaine (Tareau et al., 2019a; Tareau et al., 2020b), les plantes utilisées dans la sphère sexuelle (Tareau 2020) ou encore les circulations ethnobotaniques en milieu transfrontalier à travers l’exemple de la frontière entre la Guyane française et le Brésil, ayant fait l’objet d’un article en français (Tareau et al., 2019b) et d’un article en portugais (Tareau et al., 2021c). Des focus ethnobotaniques ont également été réalisés au sujet d’espèces emblématiques comme Quassia amara (Odonne et al., 2021) ou Ceiba pentandra (Tareau et al., 2021a).

Nouveaux concepts théoriques

Ces diverses publications lui ont permis de développer de nouveaux concepts théoriques, tels ceux des « espaces circulaires et réticulaires de cueillette », des « domaines d’hétérogénéité », des « itinéraires thérapeutiques en zigzag », des « Spiritual Keystone Species », ou encore de la notion de « frontière tinctoriale », faisant de lui un contributeur remarqué à la littérature conceptuelle en ethnobotanique et en ethnomédecine.

Parmi ces notions-clés, l’une d’entre elle fait actuellement l’objet d’un article soumis à la revue American Anthropologist : il s’agit du concept d’ « interculturalisation » qui permettra de décrire de façon plus consensuelle les jeux d’interactions culturelles et ce qu’ils produisent au sein de sociétés plurielles comme la Guyane.

Le jeune chercheur a également eu l’occasion d’enchaîner les restitutions orales à l’occasion de conférences grand public, d’émissions radiophoniques ou de reportages T.V. Après un travail de ré-écriture pour adapter le propos de sa thèse à une compréhension plus large du public, il verra ses travaux bientôt publiés sous forme de livre. Un autre ouvrage, faisant dialoguer ses textes avec les photographies de Karl Joseph, est par ailleurs en cours de rédaction pour une publication début 2023. Une exposition de ce travail mêlant Art et Science, qui avait été financé par le LabEx CEBA en 2020 (projet Kalalou), est depuis le 13 juillet accessible en version légère au point d’information touristique de Roura. L’exposition intégrale sera présentée à partir d’octobre 2022 à l’Université de Guyane.

Pharmacopées locales et parcours de soin des populations migrantes

Marc-Alexandre Tareau est aussi le président-fondateur de l’association Mélisse qui œuvre pour la promotion et la valorisation des pharmacopées locales. Sur la commune de Mana, où l’association a obtenu une parcelle, un jardin ethnobotanique pédagogique est en cours de réalisation afin de restituer autrement les connaissances acquises sur le terrain. Ce jardin sera notamment voué à recevoir des groupes scolaires, afin que les jeunes Guyanais puissent (re)découvrir un florilège de plantes médicinales, ainsi que leurs différents noms vernaculaires et quelques-uns de leurs principaux usages populaires.

Côté plus académique, après avoir poursuivi une étude post-doctorale au CNRS sur l’adaptation des médecines créoles guyanaise et haïtienne à la Covid-19, Marc-Alexandre Tareau est actuellement en poste à l’Inserm au Centre d’investigation clinique à Cayenne, où il travaille à une meilleure compréhension des parcours de soin des migrants originaires d’Haïti en Guyane.

L’ethnobotaniste Marc-Alexandre Tareau inscrit son travail sur les pharmacopées locales dans la compréhension des parcours de soin en Guyane

+ Accès à la thèse de doctorat de Marc-Alexandre Tareau : Les pharmacopées métissées de Guyane : ethnobotanique d’une phytothérapie en mouvement, 2019
+ Reportage des Chroniques du Maroni sur l’intervention de Marc-Alexandre Tareau au Lycée Bertène Juminer, en décembre 2021
+ 2022_Liste des publications de Marc-Alexandre TAREAU
+ Marc-Alexeandre Tareau sur le portail Google Scholar

+ Vidéo : « Rencontre avec Marc-Alexandre Tareau : comprendre l’usage des plantes » (LabEx CEBA, 2022)

Conférence autour des enjeux géopolitiques de la biodiversité au lycée de Kourou

Les élèves de la spécialité Géopolitique du Lycée Gaston Monnerville de Kourou ont reçu le jeudi 31 mars 2022 la visite de l’économiste Catherine Aubertin, chercheuse à l’IRD, venue leur parler de gouvernance mondiale de l’Environnement et du protocole de Nagoya, qui a introduit en droit la notion des APA (Accès et partage des Avantages issus de la biodiversité). Ces sujets concernent de près la Guyane, partie française de l’Amazonie et territoire recouvert à près de 90% de forêt.

L’intervention était programmée par le LEEISA dans le cadre de l’Année de la Biologie et de la présentation de l’exposition « A la recherche de l’Amazonie oubliée », relative au projet d’écologie historique LongTime.

Conférence de l’économiste Catherine Aubertin au Lycée de Kourou le 31 mars 2022.
L’exposition « A la recherche de l’Amazonie oubliée » du LabEx CEBA présentée au lycée Gaston Monnerville de Kourou en avril 2022.

Revue de la fondation de l’UG

Le Kwachi (ou Couachi, Quassia amara) est une plante médicinale bien connue en Guyane, utilisée comme remède traditionnel contre le paludisme. De simple amère (bitter est l’un de ses qualificatifs en créole anglophone), elle est devenue sulfureuse malgré elle dans un imbroglio tonitruant connu sous le terme « Affaire Kwachi », qui a mis dos-à-dos en 2016 la recherche scientifique et des associations de représentation des intérêts des communautés autochtones. 2016, c’était juste avant l’entrée en vigueur de la loi sur la Biodiversité, et cette affaire a alors opportunément été portée comme nouveau symbole de biopiraterie. En marge des âpres débats de l’époque, et quelques années après que le soufflet soit retombé, Marc-Alexandre Tareau, Guillaume Odonne et Tinde Van Andel proposent ici une très intéressante histoire biogéographique et culturelle de la plante, qui montre combien il peut être compliqué de déterminer l’origine des savoirs et la réalité de leur propriété.

Le Mag, revue de la fondation de l’Université de Guyane, est une revue trimestrielle éditée depuis 2021. Son objectif est de valoriser et de porter à la connaissance du public les travaux des équipes de recherche des laboratoires associés à l’UG.

Visite de parlementaires au LEEISA

Les trois parlementaires de l’Assemblée nationale étaient Fannette Charvier, députée du Doubs et référente du groupe de travail, Cécile Rilhac – députée du Val d’Oise et vice-présidente de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale, et Sylvain Templier – député de Haute-Marne, suppléant de Bérangère Abba, secrétaire d’Etat à la Biodiversité.

Les députés ont été reçus au centre IRD de Cayenne, route de Montabo, où est hébergé le LEEISA. Une présentation des installations et des laboratoires du centre de recherche leur a été proposée. Dans ce cadre ils ont visité les serres et terrariums du dispositif PLEEA qui abritent les modèles animaux grenouilles et papillons de l’équipe EEBA. L’après-midi, une sortie en mer a été organisée pour leur faire découvrir les thématiques d’études du littoral sous influence de l’Amazone.

Visite de parlementaires au LEEISA, les 29 et 30 novembre 2021