Rapport d’activité 2019 de la station de recherche des Nouragues

La station CNRS des Nouragues est l’une des plateformes de recherche opérée au sein de l’USR LEEISA. Cet équipement unique pour la recherche scientifique en écologie tropicale accueille à l’année l’équivalent de 10 personnes par jour, sur deux camps : Inselberg et Pararé. Elle offre, depuis la Guyane, un accès privilégié pour développer les connaissances sur la forêt amazonienne, la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes tropicaux.

+ Rapport d’activité 2019 de la station de recherche des Nouragues

HYDRORIV : une hydrolienne aux Nouragues

La nouvelle hydrolienne va participer sur place au mix énergétique, en s’ajoutant à une installation solaire précédemment installée. Progressivement, les nouveaux équipements viendront couvrir les besoins de consommation du camp scientifique, estimés à quelques 15 kWh, avec l’idée à terme de s’affranchir du générateur à fuel.

L’hydrolienne est une technologie de Guinard Energies, jeune entreprise basée sur la technopole de Brest-Iroise, dans le Finistère. Jeune pousse issue de l’entreprise mère Guinard, poids lourd depuis les années 60 sur son secteur des pompes hydrauliques, Guinard Energies se définit comme une start-up technologique, poussée par les défis d’innovation et animée d’une sensibilité éthique et solidaire. L’hydrolienne des Nouragues est, après le Finistère et Madagascar, le troisième projet réalisé dans cette catégorie d’équipement qualifiée de « P66 » (66 correspondant au diamètre en centimètres de l’hélice).

+ HYDRORIV sur Youtube

+ HYDRORIV sur le site de Guinard Energies

+ HYDRORIV fiche projet sur le site de Guinard Energies

+   Retour en images sur l’installation HYDRORIV des Nouragues en Guyane

Crise du Covid-19 : Aux Nouragues, une belle au bois dormant.

Des carbets sur le camp de Saut-Pararé, station scientifique des Nouragues. Une belle au bois dormant… L’image est facile. Infiniment plus que la réalité d’une action de mise en sommeil mi-mars d’une station scientifique en plein pic d’activité, au cœur de la forêt amazonienne de Guyane.

Mi-mars, alors que le vent mesquin du Covid forci sur la France, la Guyane semble encore épargnée, à ses 8000 kilomètres du continent européen et toujours en phase 1 de la pandémie. La triste météo nationale domine pourtant, et chacun sent venir le confinement. Le lundi 16 mars, tous les établissements de recherche relayent les directives préparatoires à la mise en œuvre du télétravail et des plans de continuité d’activité, suspendus aux décisions administratives qui ne tarderont pas à tomber. Le confinement pour le lendemain midi, 17 mars, est acté en Guyane à 16 heures. Il est 20 heures en métropole et le président Macron vient d’en faire la déclaration au Journal télévisé de France 2.

16 heures un lundi, en pleine journée de travail donc, pour la Guyane. Il est possible dès lors de confirmer le branle-bas dans les laboratoires. Ces petites heures d’avance auront peut-être été précieuses pour réussir le « plan de continuité d‘activité » du LEEISA, unité mixte de service et de recherche du CNRS (1) qui sous la houlette de son actuel directeur Vincent Goujon gère des plateformes de service scientifique dont la célèbre station des Nouragues, au profit de la recherche internationale en écologie tropicale et sur la biodiversité amazonienne.

A 16 heures en Guyane, il fait encore jour, même si sous le couvert forestier des Nouragues la lumière décroit déjà. Le confinement est donc acté, et avec lui l’évacuation de la station, décidée dès 15 heures dans le signal amont des annonces présidentielles. Tout doit aller très vite car l’évacuation est ordonnée pour 9 heures le lendemain matin, mardi 17 mars pour un ordre de confinement national entrant en vigueur à midi. Un hélicoptère est mobilisé car le niveau du fleuve est exceptionnellement bas en ce mois de mars pour assurer les rotations de retour en pirogue dans de bonnes conditions.

Gestes barrières et confinement en pleine Amazonie

Sur place, ils sont vingt-trois, scientifiques – botanistes et herpétologues – logisticiens et techniciens de station. Les deux camps, Inselberg au pied du mont rocheux éponyme, et Pararé, le long du fleuve Arataye, sont occupés. Parmi les scientifiques, quinze sont anglophones, et, outre les français, sept nationalités sont représentées. Colombie, Etats-Unis, Finlande, Syrie, Lituanie, Pérou, Autriche. Ceux qui sont ici à étudier, depuis la forêt des Nouragues, la biodiversité amazonienne, viennent de loin. La première question est alors de savoir comment rapatrier ces visiteurs, tandis que les annonces de fermeture de frontière et d’annulation des vols tombent les unes après les autres. Au LEEISA à Cayenne, l’équipe est sur le pont pour chercher des solutions.

Salle de bain sur la station des Nouragues. De remarquables commodités aident au respect des gestes barrières, mais il reste complexe de les observer tandis que le fonctionnement de la plateforme scientifique forestière d’Amazonie repose sur la cohésion de groupe et la participation de tous aux tâches communes.

C’est un changement radical de préoccupation, puisque les jours précédents, en prévision d’arrivées de nouvelles équipes scientifiques, puis d’un éventuel confinement de quelques jours un temps imaginé sur la station, l’heure était à gérer l’approvisionnement dans les supermarchés aux rayons déjà clairsemés et auprès des fournisseurs locaux dans le cadre des circuits-courts d’approvisionnement (2).

De fait, toute cette activité est stoppée nette. Les courses resteront au bureau. Les commandes auprès des fournisseurs de la bourgade de Régina sont annulées, et tout le monde se convertit au nouveau mot d’ordre : « évacuation ».

Les services parisiens, au siège du CNRS, dont dépend le LEEISA sont mobilisés pour le conseil, la prise de décision et la gestion de ce qui se profile bien comme une crise, prenant de court les options envisagées et mesures déjà appliquées en considération des signaux avant-coureurs. Telle la réunion annuelle du réseau RenSEE, qui rassemble les stations de recherche en écologie du CNRS, qui devait se tenir du 16 au 20 mars sur la station des Nouragues. Elle avait été annulée mi-février du fait des sombres prévisions concernant les transports internationaux. Les nouvelles arrivées sont suspendues depuis quelques jours pour préserver un pseudo-confinement sur la station, éloignée de tout centre urbain. Depuis le premier discours du président Macron le jeudi 12 mars, chacun s’est familiarisé avec la notion de gestes barrières. Dans cet environnement incongru des Nouragues, où la vie quotidienne repose sur la cohésion et l’entraide de proximité – pour la cuisine, les protocoles scientifiques et la sécurité des camps – ils ne sont pas faciles à mettre en pratique. S’ils ont été observés, il s’agissait surtout de s’entraîner dans une perspective lointaine de retour à une vie sociale plus commune. C’est à présent dès demain que chacun devra les appliquer.

Les occupants des deux camps sont briefés en toute transparence sur les nouvelles mesures qui se profilent, dans l’attente du discours officiel du président Macron, à 16 heures. Pour communiquer entre camps, distants de 8 kilomètres, un outil de messagerie instantanée est préféré à la radio dont les fréquences pourraient être interceptées par les foyers d’orpaillage illégal qui grignotent la vaste forêt de Guyane et la gangrènent jusque dans ces espaces protégés. La réserve naturelle des Nouragues, au cœur de laquelle est implantée la station, n’est pas épargnée. Si un relatif équilibre sécuritaire est tacitement mis en œuvre par tous les travailleurs des bois, c’est un risque qui demeure que de laisser les camps scientifiques vides d’occupants. Le plan de continuité d’activité doit en tenir compte.

Dans la frénésie communicationnelle entre camps et base arrière, le téléphone satellite se révèle encore un outil précieux car le réseau internet des Nouragues fait ce jour-là des siennes. Sa réparation était programmée ; elle attendra. On se débrouille dans l’instant avec les faibles barres qui veulent bien s’activer.

Deux heures devant soi pour désactiver les protocoles scientifiques

A 16h30, l’annonce d’évacuation est officielle. Tout le monde est maintenant à pied d’œuvre pour désactiver les protocoles scientifiques en cours. Il s’agit par exemple de récupérer les trackeurs installés sur les dos des Allobate femorale, de petites grenouilles typiques de la forêt guyanaise, suivies dans la durée par l’équipe autrichienne. Il faut réaliser les relevés des données environnementales, ranger le matériel scientifique, les carbets labos. Quand il fera trop nuit, une dernière heure sera consacrée au pliage des paquetages personnels. A 19 heures et quelques minutes, c’est fait. Tout est plié. Cet exploit est le fait d’une organisation quasi militaire peu familière des milieux scientifiques, qu’il faut ici souligner.

Après un briefing téléphonique entre les deux camps pour s’assurer que l’organisation à camp Inselberg est menée en miroir de camp Pararé et échanger les informations sur l’organisation du lendemain matin, un dernier repas est partagé dans cette ambiance si particulière. On en profite pour faire le point sur l’avancée des équipes à Cayenne. Logements de confinement, rapatriements, les choses ont avancé aussi en base arrière. Des solutions sont trouvées, ou se dessinent, qui contribuent à alléger l’ambiance anxiogène que tous, aux Nouragues comme ailleurs dans le monde, partageons à cet instant précis.

Les heures agitées laissent place à un peu de calme. Après l’extinction des feux, le discours podcasté du chef de l’Etat est écouté religieusement en station. Chacun peut prendre, là au milieu des bruits de la nuit tropicale, la mesure de ce qui se joue à l’échelle française et planétaire. Nina Marchand, la cheffe de camp, est la dernière à se coucher. Il est alors 2 heures du matin. La nuit sera courte, pour tous.

Tout le monde sur la DZ à 9 heures, sacs fermés !

On se lève tôt sur la station, les oreilles pleines du cri rauque des singes hurleurs. On range son hamac, sa touque. On se prépare au départ, on fait les dernières vérifications : les poubelles sont vidées ? Tout le monde a ses papiers ? « Tout le monde doit être prêt, sac fermé, sur la DZ à 9 heures », annonce Nina. Cette heure résonnera comme le « go » de l’évacuation. A Cayenne en base arrière, Elodie Courtois, la directrice technique adjointe de la station, a déjà fait imprimer les autorisations de déplacement pour les évacués des Nouragues. Dernier point radio entre les deux camps : Wemo Betian, chef de camp à Inselberg, et Nina sur camp Pararé confirment que tout le monde est prêt. Tout est clair pour le transporteur hélicoptère. L’opération peut commencer.

L’évacuation se déroule en cinq rotations entre Cayenne et les Nouragues, sur toute la matinée et une partie de l’après-midi. Les circonstances sont exceptionnelles, il faut aller vite car bien d’autres choses sont à régler à l’arrivée, concernant le confinement et le rapatriement des scientifiques étrangers. La base arrière à Cayenne prend alors le relais, Philippe Gaucher et Patrick Châtelet sont à la manœuvre pour récupérer les agents à leur descente d’hélicoptère et les orienter vers les différentes solutions aménagées pour eux. Certains resteront confinés à Cayenne quelques jours, d’autres pourront prendre l’avion dès le soir même. Finalement, une partie fera le choix de se confiner sur place en Guyane, dans la durée, où la sécurité semble assurée tandis que la situation sanitaire mondiale autant que les transports aériens paraissent bien incertains.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, la Guyane est en stade 2 de l’épidémie avec une situation stabilisée autour de quelques 140 cas confirmés. La sortie progressive du confinement est annoncée pour le 11 mai. Les agents du LEEISA, comme tous les travailleurs de France exemptés de combattre « au front » sont en télétravail ou en autorisation d’absence. La station des Nouragues est fermée jusqu’à nouvel ordre. Confinée, l’équipe (3) travaille à distance sur la maintenance de la station, la reprogrammation des activités, les agendas futurs, la prise de nouvelles et le maintien du lien auprès des confinés.

Aux Nouragues, les grenouilles poursuivent leurs migrations, les singes roux continuent à hurler à l’aurore. Ils sont une part des esprits de la forêt qui veillent sur la belle endormie.

Rédacteur : Gaëlle Fornet, sur une chronologie retranscrite par Nina Marchand, cheffe de camp aux Nouragues pendant l’évacuation.

Dernière photo de groupe avant l’évacuation de la station des Nouragues le 17 mars 2020. Les deux camps réunissent alors 23 scientifiques et techniciens de station. Outre les français, sept nationalités sont représentées.

Retour sur… les chantiers volontaires de l’USR LEEISA aux Nouragues

Respectant l’évolution des protocoles sanitaires, la station scientifique des Nouragues ré-ouvre doucement ses services. La suspension des activités scientifiques en 2020 aura été l’occasion de réaliser des travaux d’entretien pour un support encore plus efficace à la recherche.  Pour partie, ces travaux avaient débuté fin 2019 en profitant d’une opération « Tous aux Nouragues » proposée aux agents de l’USR LEEISA, dans la foulée de l’Assemblée générale qui s’était déroulée sur site en septembre dernier. Le but : donner un coup de main aux équipes techniques de la station pour crocher dans les divers chantiers de rénovation ou de construction. L’expérience, contribuant à l’avancée décisive des chantiers, satisfait également au souhait de meilleur partage de l’engagement scientifique entre les différentes équipes de l’USR et au renforcement de l’esprit d’équipe. Volontaires et dynamiques, ceux qui sont venus prêter main forte ont mis à profit leurs quelques jours en station pour une découverte immersive du fantastique environnement amazonien des Nouragues. Cette belle expérience a vocation à être reconduite au bénéfice de tous les agents et services du laboratoire.

Chantier d’installation du champ solaire, novembre 2019
Grégory Genta-Jouve, chercheur en chimie, Lou Paitard, technicien en halieutique, et Marquisar Jean-Jacques, doctorante en anthropologie apportent leur aide au chantier de construction du champ solaire aux Nouragues en novembre 2019.
Le nouveau carbet stockage de Camp Pararé, éclairici dans le cadre du chantier volontaire « dépollution/rangement » en mars 2020

Des enseignants en formation sur la station des Nouragues

Formation Coracines aux Nouragues en novembre 2020

La formation était organisée par la Réserve naturelle et la Maison pour la Science de l’Université de Guyane, avec l’appui du Rectorat et la participation de Jérôme Orivel, responsable scientifique des projets Feder BiNG (Biodiversité négligée de Guyane) et BUG (Biodiversité urbaine de Guyane/démarrage en 2021) portés par l’UMR EcoFoG. Ces deux programmes développent des volets de valorisation par des outils pédagogiques et des sciences participatives.

+ d’info sur la formation : site de la Réserve naturelle des Nouragues

+ d’info sur BiNG sur le site du CNRS en Guyane

 

Rapport d’activité 2020 de la station des Nouragues

Malgré une année difficile, l’équipe de la station des Nouragues a réussi à continuer à faire vivre le site. Huit projets de recherche ont été menés à bien en 2021, ainsi que divers chantiers techniques. La montée en compétence des agents s’est poursuivie, avec des qualifications obtenues en secourisme en milieu isolé et pilotage de drone. La fréquentation enregistrée est de 2022 hommes.jours, correspondant à 103 visiteurs. 28 rotations de pirogues et 43 rotations d’hélicoptère ont été réalisées. Globalement, ces chiffres représentent 55% de la fréquentation de l’année 2019, où étaient comptabilisés 3665 jours.hommes, pour 254 visiteurs. Nous espérons tous une amélioration de la situation en 2021 pour continuer à accueillir de nombreux projets dans cette station dédiée à l’étude des écosystèmes tropicaux.

+ Accéder au rapport d’activité 2020 (site LabEx CEBA/rubrique Infrastructures)

Canopy Constructor, un outil virtuel innovant pour étudier la forêt tropicale

Du fait de leur forte diversité et leur densité, l’étude des forêts tropicales est un défi scientifique qui stimule l’innovation. Les méthodes à disposition des chercheurs ont considérablement évolué ces dernières années, profitant de nouveaux outils et techniques offerts par le développement de l’imagerie aérienne par laser aéroporté, ainsi que de la puissance informatique de calcul. Conjointement, les séries de données acquises sur le terrain – des mesures des arbres et des écosystèmes depuis le sol – se constituent en bases numériques de plus en plus conséquentes et documentées. Sur une station comme les Nouragues, en Guyane, c’est un catalogue de plus de trente ans d’observation continue de la forêt primaire qui est disponible pour tester et calibrer les mesures dématérialisées qu’offrent les techniques à distance. L’étude des terrains complexes, dont la forêt tropicale fait partie, est un champ d’application fructueux de ces nouvelles techniques. Les enjeux actuels de préservation des forêts tropicales, de leur intégration dans la compréhension des changements planétaires et du maintien des équilibres globaux ouvrent un large horizon pour ces recherches.

Image lidar aérienne de la forêt de Paracou en Guyane dans le cadre du programme Phenobs

L’article de Fabian Fisher et al., paru en décembre 2020 dans la revue scientifique internationale Remote Sensing of Environment en donne un bon exemple. Il présente une méthode de simulation numérique, dénommée Canopy constructor. La méthode a été mise au point au laboratoire EDB de Toulouse en combinant trois développements récents pour l’étude des forêts tropicales.

Actuellement, les cartes de biomasse forestière sont produites par une combinaison de deux mesures : les mesures issues de parcelles-témoins forestières et des mesures Lidar issues de survols aériens sur plusieurs milliers d’hectares.

Les parcelles sont des carrés de forêt de quelques hectares où les arbres sont régulièrement mesurés et étudiés sous toutes les coutures depuis plusieurs années, parfois trente ans comme aux Nouragues. Une masse de connaissances est accumulée. Le développement des modèles mathématiques a permis d’intégrer les diverses données. Un des résultats est de pouvoir aujourd’hui, par exemple, évaluer de manière fiable la quantité de carbone que contient chaque arbre rien qu’en mesurant son diamètre depuis le sol. Cette opération, qui rapporte le diamètre à la biomasse de l’arbre, permet de quantifier la biomasse à l’échelle des parcelles-témoins. Elle suppose un travail de mesure sur chaque arbre de la parcelle.

Le lidar aéroporté permet quand-à-lui de mesurer la hauteur de la canopée sur la zone survolée. On part du principe que plus les forêts sont hautes, plus elles stockent de la biomasse. Il est donc possible d’évaluer la quantité de carbone contenue sur les milliers d’hectares survolés en combinant ces données de hauteur aux mesures de biomasse calculées dans les parcelles-témoins. Ce deuxième développement, qui rapporte la hauteur de l’arbre à la biomasse, est au point. Il est largement utilisé depuis déjà une dizaine d’années dans le monde malgré ses quelques imprécisons.

La nouveauté de Canopy Constructor réside sur une combinaison encore plus performante des données. Sur une parcelle, on construit cette fois un modèle dans lequel chaque arbre est positionné et dimensionné en 3 dimensions. Ce modèle est développé au laboratoire EDB, où travaillent en partie les auteurs de la publication. Il s’agit du modèle TROLL, qui propose à partir de trois paramètres une relation entre le diamètre d’un arbre et sa hauteur.

Dans Canopy constructor, le modèle TROLL est utilisé pour créer une parcelle virtuelle. De fait on en connaît tous les petits secrets puisque les arbres sont des simulations numériques. Cette parcelle virtuelle est ensuite comparée, dans sa hauteur, à celle réellement mesurée par un survol Lidar d’une vraie forêt. Canopy Constructor, outil informatique, reconstruit la forêt artificielle de TROLL pour qu’elle en vienne à « coller » à la réalité, celle de la parcelle survolée, avec des arbres de diamètre réél. La simulation se rapproche ainsi de l’observation, jusqu’à obtenir une parcelle simulée quasiment identique à celle inventoriée sur le terrain.

Visualisation d’une parcelle forestière virtuelle dans le modèle TROLL

Dans une deuxième étape, on extrapole depuis la parcelle de calibration vers l’ensemble de la zone d’étude, en admettant que les modèles calibrés localement sont représentatifs de toute de la zone. Aux Nouragues, cela correspond à passer de 12 hectares (la taille de la parcelle témoin) à une surface de 2000 hectares. Tous les arbres de plus de 1 cm sont inclus, soit plusieurs millions d’arbres qu’il serait impossible de mesurer manuellement sur le terrain. Mais on ne pourrait pas non plus réaliser cette opération sans la modélisation et la puissance de calcul numérique, auxquelles il faut rendre hommage dans ces technologies sophistiquées d’étude de la biodiversité. Les moyens utilisés sont ici ceux du supercalculateur Olympe du centre de calcul intensif de Toulouse.

Ces moyens permettent de construire une maquette tridimensionnelle de l’ensemble de la zone d’étude. A partir de cette maquette, on peut obtenir une carte des stocks de biomasse beaucoup plus précise que par la méthode classique, tout en prenant bien mieux en compte l’hétérogénéité de l’écosystème.

Canopy constructor a été testé au Nouragues et dans une parcelle au Gabon. Il est une avancée significative pour produire des informations précises et fiables en vue de la validation des données d’observation de la Terre produites par les satellites GEDI (actuellement en opération pour la NASA) et BIOMASS qui sera lancé depuis Kourou en 2022 et opéré par l’ESA. D’autres applications du programme peuvent être envisagées. Avec la prise en compte de l’hétérogénéité forestière, Canopy constructor peut par exemple être développé pour étudier la dynamique écologique des forêts, ou représenter leur croissance par modélisation prédictive.

Image lidar terrestre de la forêt des Nouragues en Guyane, réalisée dans le cadre du programme Dendrolidar

Stage aux Nouragues pour des lycéens pros de Régina

Par cette expérience, les stagiaires ont pu découvrir durant un mois sur place les métiers de la station tout en apportant un bon coup de main à l’équipe. Grande satisfaction pour tous ! L’expérience était portée par Nina Marchand, ingénieure sur la station, avec le concours de toute l’équipe. Elle confirme le lien renforcé depuis maintenant quelques années avec le territoire et la commune de Régina, dans un élan porté également par la Réserve naturelle des Nouragues. C’est dans ce cadre que d’autres stagiaires ont également séjourné sur la station pour projet Circuits courts, dont l’objectif est d’approvisionner la station avec des produits proposés par des fournisseurs locaux.

Nous précisons que le séjour aux Nouragues s’est déroulé dans le respect du cadre sanitaire Covid-19 et strictement soumis au protocole en vigueur à la station (tests PCR, mesures et gestes barrières, jauge d’occupation réduite).